Interview-portrait: Luc Levan: “J’aime les gens”.
Intervenant dans les programmes bachelor et trading de l’ESM depuis 2015, Luc Levan, spécialiste en finance, s’est livré avec le cœur à nos questions-réponses. Rencontre avec un passionné et hyperactif.
-Quel a été votre parcours professionnel jusqu’à aujourd’hui ?
-Luc Levan: Après un Master en sciences économiques et sociales à l’Université de Genève, j’ai passé un quart de siècle, entre 1990 et 2015, dans le domaine bancaire pour une grande partie au sein du Crédit Suisse, puis de la banque Frank Galland. Cela m’a amené à toucher à de nombreux métiers, à voyager puisque j’ai travaillé à Londres, Vancouver ou encore Zurich. En 2015, j’ai pris un virage professionnel, toujours dans la finance, en optant pour un family office. En sortant du cadre de la banque, je me suis rendu compte que le monde était très grand. J’ai commencé à me lancer dans beaucoup d’activités, dont l’enseignement à l’ESM, les micro-crédits au Sri Lanka et au Sénégal, des investissements personnels qui me tiennent vraiment à coeur. Ces 7 dernières années ont compté énormément. Je suis content d’être sorti de la banque et d’avoir pu construire cela.
-Que vouliez-vous faire lorsque vous étiez enfant ?
-Au départ, j’avais une vision peu claire. J’avais très peu confiance en moi, voire pas du tout. C’est sur le tard que mes ambitions sont venues. Le seul métier auquel j’aurais pu penser c’est le métier de professeur qu’exerçait ma mère qui enseignait le français, le grec et le latin. D’ailleurs, trilogie assez rare, ma mère a été à la fois ma mère, ma prof et ma collègue puisque nous avons enseigné dans la même école lorsque je donnais des cours à côté de mes études. De la voir rendre heureux ses élèves a été une source d’inspiration pour moi, je voyais ça comme un beau métier et cette idée a dû germer en moi.
-Qu’est-ce qui vous plaît dans l’enseignement ?
-Aujourd’hui l’enseignement est devenu une passion, presque une mission. Lorsque j’ai la chance de recevoir des nouvelles d’anciens étudiants, je me dis « tiens j’ai pu apporter quelque chose à l’édifice ». En plus de se sentir utile, on se nourrit au contact avec les jeunes. Et puis ça me permet aussi de mieux comprendre mes propres enfants. En tout cas j’y mets beaucoup de cœur. C’est un privilège d’avoir un métier dans lequel on est passionné.
-Avez-vous une anecdote durant vos cours à partager ?
-Dans le cours de finance entrepreneuriale, les étudiants sont amenés à monter des projets, si possible avec une connotation sociale. En plein Covid, l’objectif d’un des groupes était d’aider des universitaires dans le besoin, en délivrant des repas à des étudiants avec un foodtruck vietnamien. C’était beau parce qu’on s’est retrouvé sous une pluie diluvienne sur la plaine de Plainpalais vide, et soudainement, petit à petit, 100 étudiants sont venus pour prendre leur repas. Une vision presque irréelle, on a été très touchés d’apporter un peu de réconfort. Cela a été un accomplissement pour tout le monde.
-Qu’est-ce qui vous occupe lorsque vous n’êtes pas au travail ?
-Je suis très famille et j’y consacre beaucoup de temps. Même quand j’étais amené à voyager pour ma carrière, j’ai toujours fait attention à être là. Mes filles Melina et Elsa ont aujourd’hui 22 et 26 ans, alors maintenant elles sont moins à la maison, mais ça a toujours été un fil conducteur pour ma femme et moi.
Dans ma famille, il y a trois continents : l’Afrique, l’Europe et l’Asie. Je suis moi-même d’origine vietnamienne par mon père et français par ma mère. Ma femme est éthiopienne et norvégienne. Grâce à ces mélanges, nous avons construit un socle familial riche de diverses cultures, ouvert sur le monde.
-Que vous disaient vos parents quand vous étiez enfant ?
-Je n’ai pas des paroles précises en tête. Cela dit, si je pouvais dire quelque chose à l’enfant que j’étais, je lui dirais d’avoir confiance. C’est ce qui m’a manqué. C’est ce que nous avons essayé de faire avec ma femme pour nos filles. Je sens qu’elles ont la tête bien faite, j’ai confiance et je suis très fier du parcours qu’elles suivent.
-Si vous deviez donner trois mots pour vous décrire, que diriez-vous ?
-C’est amusant, car c’est la question à laquelle mes étudiants doivent répondre lors des cours de simulation d’entretien ! J’en vois deux, m’intéresser aux gens et l’humour. J’adore découvrir les gens, sans a priori négatif et parfois avec un peu trop de candeur. Et l’humour, j’essaie, je fais des tentatives en classe, mes étudiants sont indulgents ! L’humour peut être périlleux dans son usage mais il permet de faire passer beaucoup de messages, c’est un moyen de communication redoutable.
-Si vous pouviez supprimer un trait de caractère chez vous ?
-Il faudrait que j’arrête d’être aussi exigeant. Moi et moi-même on ne s’entend pas super bien. Je suis d’une exigence qui me fatigue. Mais ce n’est pas gagné…
-Vous aimez le sport. Quel sport pratiquez-vous ?
-Le sport fait partie de mon ADN. Grand fan de divers sports, tennis, football, je vis des émotions incroyables aussi bien en le pratiquant qu’en spectateur. Je suis heureux d’avoir mis le pied à l’étrier très jeune. Je faisais du tennis, j’y passais beaucoup d’heures. Ça m’a certainement empêché de faire des bêtises. Par la suite, une hernie discale m’a obligé à me réinventer, sportivement parlant. Aujourd’hui, je fais plutôt du trail, du gainage et du cardio, plusieurs heures par semaine.
-Si vous pouviez apprendre quelque chose que vous ne maîtrisez pas encore, ce serait quoi ?
-Je n’ai jamais pris la peine d’apprendre un instrument, je choisirai le piano. Je trouve beau un pianiste, il transmet beaucoup d’émotions.
-Si vous pouviez exaucer trois vœux, que feriez-vous ?
-Ce serait d’abord de pouvoir prendre soin de mes proches le plus longtemps possible. Ensuite, j’aimerais avoir le talent et l’énergie pour écrire sur l’histoire de ma famille, les événements intenses au Vietnam et en Ethiopie ont guidé le parcours de nos parents. Enfin, par mes activités en lien avec la maladie de Parkinson, si on pouvait trouver un médicament, j’amènerais le premier comprimé à mon ami Yves Auberson atteint par cette terrible maladie. Je trouve que la recherche ne va pas assez vite.
-Si vous pouviez déjeuner avec la personne de votre choix, ce serait qui ?
-Puisque j’ai le choix, je choisirais Barack Obama. Pour moi il représente la mixité culturelle, l’humour, l’élégance et la dextérité dans l’usage des mots. Je suis très sensible à ces valeurs. Et si Roger Federer pouvait venir au dessert, je serais très heureux !
-En parlant de repas, quel est votre péché mignon ?
-Une fois de plus, cela va être en lien avec mes racines. On voyage grâce à la cuisine. J’ai pris des cours de cuisine vietnamienne que je trouve délicieuse. J’aime aussi les repas éthiopiens, c’est un très beau moment de partage.
-Qu’avez-vous toujours dans votre frigo ?
-Les ingrédients pour faire un « bò bún », c’est-à-dire des vermicelles de riz, des légumes et du bœuf ou des crevettes. Ce n’est pas très compliqué, c’est super sain et très bon.
-Si vous pouviez revivre une journée, ce serait laquelle ?
-Sans hésiter, c’est la journée où on s’est marié avec mon épouse. Elle avait tout organisé, c’était une fête, en Suisse, rassemblant 200 personnes avec toutes nos cultures. Il y avait de la nourriture diverse et variée et puis surtout ceux qui ne sont plus là. Si je pouvais revivre une journée avec eux et faire la fête, ce serait beau.
-Et dans 10 ans, vous vous voyez où ?
-Si je peux encore donner des cours, je serai heureux. J’aurai 67 ans donc je serai un peu dans l’âge limite ! (rires). Et puis je passerai du temps à l’île Maurice que nous adorons avec mon épouse. Mon souhait, je ne vais pas me réinventer, c’est de continuer à être très actif. J’aime tout ce que je fais donc pourquoi arrêter, si je peux.
-Pour terminer, que peut-on vous souhaiter pour la suite de l’année en cours ?
-De la tranquillité. Les trois dernières années ont été très agitées. Le covid m’a privé des contacts, notamment avec les élèves, dont j’ai besoin pour mon équilibre. 2022 s’est avéré très compliquée et intense professionnellement avec la guerre en Ukraine.
Alors maintenant j’aspire pour cette année à plus tranquillité, cela me permettrait de mener sereinement mes diverses activités professionnelles.
ESM février 2023